Les hébergements touristiques de montagne : entre hybridation de l’offre et désir d’authenticité
hybridation hôtellerie auberge de jeunesse montagneL’hybridation des genres et des fonctions
Le mix des genres et des fonctions n’est pas nouveau. Le mix des genres était observable dès les années 1990, avec l’arrivée de résidences de tourisme au service hôtelier. Sous l’influence de la pandémie, le mélange des fonctions et notamment les tendances au co-living et co-working identifiables dès 2018, se sont fortement renforcées.
Avec le télétravail, de nouveaux usages se sont installés dans le quotidien, estompant les frontières entre temps des loisirs et temps dévolu au travail. Ces usages ont fait naître de nouveaux besoins que les hébergeurs ont eu tôt fait d’identifier. De fait, on observe que de nombreux hôtels modifient leurs concepts en proposant non seulement des forfaits de séjour prolongé, mais aussi des programmes de travail à l'hôtel ou des hébergements privés avec des équipements de type résidence dans la suite. Répondre à cette attente contemporaine présente non seulement l’avantage d’optimiser le remplissage des chambres mais aussi celui de rallonger la saison touristique, cette demande n’étant a priori pas contrainte par le calendrier scolaire.
A l’ère post-COVID, un espace dévolu au coworking ou télétravail, attirera les travailleurs nomades qui souhaitent pouvoir regrouper transitoirement dans un même lieu, vie privée et vie professionnelle. Bien entendu, ce type d’offres est susceptible d’intéresser les entreprises cherchant à loger des expatriés, des collaborateurs ponctuels ou le personnel en déplacement professionnel. Possiblement, ces clients corporate auront une sensibilité au prix que des travailleurs individuels peuvent ne pas avoir, car bien souvent la motivation professionnelle des travailleurs individuels se double d’une motivation personnelle. Ces entreprises se tourneront donc plus volontiers vers des solutions de logement de type co-living comme Airbnb peut en offrir. Reste que l’investissement dans la construction d’immeubles neufs génère de belles perspectives d’avenir, car du point de vue d’Experience « l’offre en co-living est encore trop faible par rapport à la demande ». La formule forfaitaire est la norme : la location comprend le logement, l’eau, l’électricité, l’abonnement internet, la télévision, l’accès à des équipements sportifs ou à un espace de coworking, des prestations de ménage, une conciergerie, etc. Parfois des options payantes, proches de services hôteliers (restauration et bar), s’y ajoutent.
Tout récemment, Ultima Collection lançait "L’Escapade Ultima", une retraite de bien-être holistique d'un mois minimum, disponible dans toutes les propriétés d’Ultima Collection à travers les Alpes et la Méditerranée. Pour ce faire, Ultima Collection s’est associée à VistaJet, la compagnie mondiale d'aviation d'affaires. Les forfaits home office font la preuve que les établissements ou propriétés sont équipées en postes de travail fonctionnels. Dans une gamme moins luxueuse, les hostels emboîtent le pas aux hôtels et résidences de vacances ciblant les milléniaux.
Tout en gardant chacun leur positionnement original, ces différents types d’hébergement empruntent donc les codes qui leur permettront d’attirer les milléniaux, gros marché touristique : espaces communs, espaces privatisables, chambres privatives, technologies numériques, qualité du couchage, soin apporté au design, ouverture sur l’environnement local, sensibilité écologique. Ce faisant, ils contribuent à une confusion potentiellement néfaste si elle se traduit par un manque de lisibilité des offres commerciales.
De l’importance des espaces communs et de leurs contraires
La tendance est à l’habitat partagé dans lequel des espaces communs jouxtent des logements privatifs. Ce peut être un jardin, une cuisine, une bibliothèque/ludothèque, une salle de gym/yoga/danse, un bar, des bouts de couloirs aménagés par exemple. De l’avis de la chaîne Experimental Group, « un hôtel ne pourra plus vraiment ni se lire, ni se comprendre sans ses parties communes ». Le partage des espaces permet de nouer des liens autour d’intérêts communs, surtout quand l’hôtel ou la résidence incite aux activités communes : sports en salle, soirées jeux, ateliers cuisine… On vient moins à l’hôtel pour y dormir que pour « y faire des rencontres, dîner et socialiser ». D’ailleurs, l’hébergement touristique s’ouvre résolument sur l’extérieur en associant des univers a priori distants. Nous l’évoquions plus haut.
Pour s’adapter à la demande plurielle (espaces de partage et espaces privatifs) et évolutive de la clientèle, l’espace doit gagner en modularité. Dans un dortoir, l’intimité est celle des lits en alcôves. Agrémenter des lourds rideaux en drap de laine, ils permettent de recréer un espace à soi. Ils protègent aussi des regards curieux et de la lumière du petit matin. Dans l’espace jour, des cloisons coulissantes permettent des scinder des espaces dont les fonctions doivent être changées en un clin d’œil, en fonction des besoins. En raison de la pandémie, on éprouve encore plus fortement à nouveau le besoin de structurer l'espace selon des fonctions précises : manger, dormir, travailler, etc... La modularité des espaces (privés ou professionnels) est alors pour beaucoup la solution plébiscitée pour répondre à l’exigence ambivalente (partage et repli à des temps choisis) de la clientèle.
Le numérique au service de la personnalisation
Deux motivations poussent les hôteliers du luxe à investir dans le numérique : premièrement fluidifier et augmenter l’interaction avec les clients, deuxièmement attirer une clientèle plus jeune et agrandir son portfolio de clientèles. Ce faisant, ils cherchent à surprendre en offrant une expérience dans laquelle les services digitaux tiennent le premier rôle. L’expérience client s’en trouve améliorée et l’image de l’hôtel en est renforcée. Une étude de Deloitte a révélé que les clients sont prêts à payer 20 % de plus que les équivalents standards pour des produits ou services personnalisés. Clef virtuelle, gestion de la température, ambiance lumineuse, position des stores, visionnage de la série Netflix depuis la télévision etc. : Tout cela est facilité grâce à la domotique. Cette dernière permet au client de se sentir chez lui puisqu’il peut programmer à distance ses rituels d’accommodation de l’espace.
Dans les établissements Hilton, les services personnalisés en chambre et relevant du digital, sont déjà un acquis. La “Smart Hotel Solution » de Siemens permet d’enregistrer les habitudes clients des hôtes pour qu’à l’envie, les préférences du client puissent être réactivées lors d’un nouveau séjour, quel que soit l’établissement de la chaîne qui aura été retenu pour le séjour.
Le numérique sert à accéder à un profil client, à l’historique d’achat et à des recommandations personnalisées pour ce profil. En définitive, l’effort data permet d’identifier les clients à haut potentiel dès la réservation, de mieux les transformer en "repeaters", de formuler les bons messages et de trouver le parfait rythme des campagnes marketing. Attention, il est impératif que les données clients soient scénarisées dans une posture de service client. La gestion des données doit rester éthique.
Low-touch versus high-touch
Malgré l'adoption du numérique, le contact humain reste un élément essentiel de l'expérience de séjour. Des interactions minimales sur certaines étapes du parcours client jouxtent idéalement des moments d’interactions fortes avec l’hôte. De fait, dans l’hébergement de luxe, le high-touch reste très valorisé mais il est de plus en plus potentialisé par des technologies high-end.
La clientèle des hébergements touristiques en montagne
Leurs attentes
Jusqu’à la fin de la pandémie, les voyageurs rechercheront un niveau de sécurité accru mais aussi des offres de voyage et d’activités plus durables, le coronavirus leur ayant ouvert les yeux sur l'impact de l'homme sur l'environnement. Plus faciles, plus sûrs et souvent plus durables, les voyages locaux seront privilégiés. Le confinement a donc donné naissance à des priorités de séjours ajustées (passer du temps en famille notamment) et au désir de profiter davantage des ressources naturelles. Sur Booking.com, l'utilisation de mentions liées à de simples plaisirs tels que la randonnée (94%), l'air pur (50%), la nature (44 %) et la relaxation (33%) a augmenté depuis le début de la pandémie. La clientèle des hébergements de montagne sera donc très réceptive aux activités qui se pratiquent dans l’environnement naturel et proche de l’établissement. La qualité de celui-ci est clairement un critère orientant le choix de celui-ci.
Il existe aussi une demande pour des aménagements de type résidence, étant donné l’allongement des durées de voyages[1] et la démocratisation du télétravail.
[1] Afin d’éviter des complications liées à la fréquence des déplacements en temps de pandémie.
Enfin, les voyageurs (70 %) sont désireux de soutenir l'industrie. Dès lors, ils souhaitent que leurs réservations futures bénéficient aux communautés locales. Partant, ils attendent de l'industrie du voyage en général et des hébergeurs en particulier une valeur ajoutée bien plus importante que par le passé. On peut d’ailleurs supposer que s’engager pour les locaux est une façon pour le visiteur de renaître à soi-même et au monde. Dès lors, l’hébergeur aura pour mission de faciliter l’engagement de sa clientèle pour les locaux.
Alors que le luxe prend souvent une dimension matérielle pour la classe moyenne émergente, pour le marché mature, le luxe se traduit par un enrichissement au travers de la réalisation d’expériences. La recherche d’authenticité et d’exclusivité représente une tendance forte qui continuera de définir le luxe du futur.
Les profils clients
Amadeus AIT Group SA identifie plusieurs profils de voyageurs de luxe. Le voyageur « Always Luxury » a le luxe pour standard. Il s’agit d’un invariant de son comportement de consommation touristique. Le voyageur « Special Occasion » souhaite avant tout se récompenser par sa consommation luxueuse. Il n’est pas coutumier du luxe. Le voyageur « Bluxury » est un habitué du bleisure, version luxe. Le voyageur « Cash-rich, time poor » délègue volontiers la planification à un agent pour se consacrer plus entièrement à ce qu’il y a à vivre. Le voyageur « Strickly opulent » aime partager ses découvertes sur les réseaux sociaux, il est soucieux de l’image qu’il y véhicule. Le voyageur « Independent & affluent » aime faire des rencontres mais ne perd pas de vue son objectif de développement personnel.
Parmi ces voyageurs du luxe, un groupe important est appelé les HENRYs (de l’anglais « high earners, not rich yet ») : ces clients valorisent plus l'expérience que la possession matérielle ; double exigence qui marie haute technologie et haut niveau de personnalisation.