Du plomb dans l’aile ? C’était hier.
SWISS aviation compagnies aériennes SAFUne demande qui vole haut
On observe que les vols aériens sont en nette croissance. Si cela surprend à une époque où l’on cherche à réduire les émissions, ce n’en est pas moins une réalité. Cette croissance se laisse expliquer par une démocratisation de ce mode de transport. Près de 60% des voyageurs internationaux se déplacent en avion (cf. graphique ci-dessous) – tendance à la hausse depuis la pandémie de Covid. Voler est devenu accessible même si « les augmentations atteignent actuellement plus de 10% approximativement par rapport à 2019, mais plus de 25% par rapport à 2022 » d’après Stéphane Jayet, vice-président de la Fédération suisse du voyage (FSV).
Airbus estimait en 2018 que la croissance annuelle s’établirait à 4.4% jusqu’en 2037. A l’été 2023, Airbus revoyait ses prévisions à la baisse en tablant sur une croissance annuelle du trafic aérien de 3,6%, d’ici à 2042.
Mode de transport pour les voyageurs internationaux (OMT, 2019)
Des engagements en faveur de la transition énergétique
Les raisons qui président à cela sont plurielles. Nous en identifions trois comme étant majeures. Premièrement, le kérosène n’est pas taxé pour les vols intérieurs, le trafic aérien n’est pas régulé, et le marché du voyage aérien a été libéralisé.
Aux Etats-Unis, la Airline Deregulation Act de 1978 a mis fin au rôle du gouvernement dans la fixation des prix et des capacités dans le secteur. Les tarifs moyens ont depuis baissé de plus de 50 % une fois corrigés de l'inflation, les départs quotidiens ont plus que doublé et le nombre de personnes prenant l'avion a plus que triplé. En Europe, la dérégulation à fait son œuvre également : hausse de la concurrence avec l’entrée de nouvelles compagnies aériennes dans le marché et baisse des prix des billets d’avion. Or l’essor des vols low cost et des programmes de fidélité (« frequent flyer programms ») incite les clients existants à voler encore plus. Pour autant, cela n’induit pas la captation de nouveaux clients (Gössling & co. 2019). Le récent renchérissement des prix ne suffit pas encore à renverser la tendance.
Si voler est devenu accessible, ce n’est pas pour autant forcément populaire. On observe qu’une part grandissante des consommateurs a des préoccupations climatiques, et partant, évalue le service sur la base non seulement de ses caractéristiques intrinsèques et de son prix, mais aussi en fonction de son empreinte carbone. Or, une empreinte carbone inférieure est associée à une qualité servicielle supérieure, et induit donc une demande plus élevée (effet de demande). C’est là où se trouve le point de bascule pour les compagnies aériennes. De perdantes, elles se retrouvent potentiellement à nouveau doublement bénéficiaires dans la mesure où la réduction des coûts écologiques induit de surcroît un accroissement de l'efficacité en éliminant le gaspillage et en augmentant la qualité des processus, notamment.
Quantités de gaz et de particules (exprimées en kilos) rejetées en une heure de vol par un avion civil biréacteur de 150 places plus fret.
Cela explique pour partie les investissements de Swiss à l’horizon 2030 et au-delà. SWISS vise à réduire ses émissions nettes de 50 % d'ici à 2030 et à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Pour accélérer sa transition énergétique, la compagnie mise notamment sur le carburant durable ou Sustainable Aviation Fuel (SAF). Produits à partir de ressources renouvelables (contrairement au kérosène fossile conventionnel), ils sont a priori plus engageants. D’ici 2050, la flotte entière devrait voler avec du SAF (cf. graphique ci-dessous), ce qui permettrait de réduire de 63 % les émissions. Toutefois, ce niveau de production de carburant ne pourra se réaliser sans investissements extrêmement importants dans les infrastructures de production de carburants alternatifs et un soutien politique substantiel.
Part de SAF. Source: Swiss International Air Lines Ltd, octobre 2023.
En soutenant le développement des SAF et en l’utilisant déjà pour sa flotte, SWISS agit directement sur la réduction des émissions de CO2 de ses opérations de vol. Cette mesure complète un plan d’actions qui fait encore des mécanismes de compensation (ref. CORSIA) un autre pilier de la stratégie de lutte contre le changement climatique. C’est en 2016 et pour stabiliser les émissions nettes à partir de 2020 que l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a adopté le système CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation). Le CORSIA fait partie intégrante de la stratégie des états membres de l’OACI en matière de lutte contre le changement climatique. En 2027, tous les vols internationaux des membres de l'Organisation de l’aviation civile internationale seront assujettis à des exigences de compensation carbone. SWISS anticipe donc les changements à venir dans l'environnement réglementaire.
Plan d'action de Swiss à l'horizon 2023. Source: Swiss International Air Lines Ltd, octobre 2023.
Les émissions de base continuent à augmenter en raison du trafic non couvert par le système de compensation et de réduction. Seuls les vols internationaux sont impactés par le CORSIA. Les opérateurs émettant moins de 10'000 tonnes de CO2 ainsi que les avions de moins de 5.7 tonnes de take off mass passent également entre les mailles du filet.
D’autres nouveautés technologiques sont envisagées par SWISS pour améliorer son bilan écologique : le Power to Liquid (PtL) et le Sun to Liquid (StL). Le PtL permet de convertir de l'électricité en carburants liquides. Le processus mobilise la production d'hydrogène par électrolyse de l'eau. L'hydrogène est ensuite combiné avec du dioxyde de carbone capturé dans l’air. Quant au StL, il est la conversion directe de l'énergie solaire en carburant liquide : l’énergie solaire produit de la chaleur à haute température, transformant le CO2 et l'eau en syngas. Du côté de l’industrie, le déploiement à grande échelle de ces technologies est attendu avec fébrilité.
Exemples de carburants durables d'aviation. Source: Swiss International Air Lines Ltd, octobre 2023.
L’autrice de cet article a assisté aux Sustainable Tourism Days 2023 à Berne les 16 et 17 octobre 2023, et en particulier à la présentation de Gregor Koncilja & Gabriel Müller de Swiss International Air Lines Ltd.
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