De la poudre plein les mirettes : 2ème partie
SportDHiverSécurité des personnes et impact sur la faune en Valais
Faut-il cadrer le hors-piste dans les Alpes?
Pour certains, la montagne devrait rester un espace de liberté absolu. Pour d’autres, cette idée est illusoire. Les Alpes ne sont pas le Canada et ses espaces vierges à l’infini, mais la chaîne de montagne la plus densément peuplée et aménagée au monde. Des règles de gestion sont donc inévitables afin de satisfaire des intérêts aussi divers que variés. Ainsi, ces dernières années, les acteurs du tourisme ont pris conscience de la nécessité de mieux cadrer la pratique des sports de neige afin d’assurer la sécurité de leur clientèle dans un environnement à risques. Cette évolution hautement louable est toutefois synonyme de menace pour la faune sauvage alpine, qui voit déferler des skieurs en mal de poudreuse sur leur territoire d’hivernage. Les acteurs touristiques du canton ont pris conscience du problème depuis une dizaine d'années. Ainsi, des zones refuges pour la faune ont été élaborées, en concertation avec les sociétés de remontées mécaniques, les services de l’Etat et des ONGs environnementales. Toutes les stations valaisannes prennent aujourd’hui en compte le balisage pour préserver la tranquillité de la faune en hiver. Petit tour d’horizon de la question à l’aide d’exemples en Valais central.
Se frotter à la poudreuse en toute sécurité : nouvel argument promotionnel
La pratique du ski hors-piste est en plein essor dans les Alpes, que ce soit aux alentours des domaines skiables ou dans les espaces retirés de nos montagnes. L’image du skieur en pleine action dans un nuage de poudre a fait rêver des générations d’aficionados, dont l’auteur de ce blog, et les destinations ne vont bien sûr pas se priver de cette image promotionnelle forte. Evolution positive : toutes les stations de ski cherchent aujourd’hui à cadrer cette pratique afin d’assurer la sécurité de leurs clients. Ainsi, par exemple, la station de ski de Nendaz en Valais central propose depuis mi-janvier des itinéraires balisés, sécurisés et desservis par les remontées mécaniques afin que les skieurs puissent « se frotter à la poudreuse dans un environnement sûr ». Ici, le terrain de jeu des freeriders s’étend sur une dénivellation de plus de 2'300 mètres, entre 1'700 mètres et 3'000 mètres d’altitude. Cette année, les cours de prévention sur le terrain se sont adressés pour la première fois non seulement à des adultes mais aussi à des enfants âgés de 12 à 17 ans. Initiative à saluer car les parents savent bien que leurs adolescents se font souvent un plaisir de ne pas suivre leurs recommandations de sécurité et de prudence… D’où l’importance que les jeunes adeptes du hors-piste puissent avoir accès à ce type de formation. A noter qu’à Nendaz, la sensibilisation au danger d’avalanche est donnée à tous les enfants dans le cadre de l’école obligatoire.
La faune de montagne et la forêt sous pression
Les sports de neige hors-piste exercent une forte pression sur la faune sauvage. Pour Yvon Crettenand, collaborateur au Service de la chasse, de la pêche et de la faune du Canton du Valais, ces pratiques ne posent pas de problème en altitude, c’est-à-dire au-delà de la limite supérieure des forêts. En effet, en hiver, la grande faune d’ongulés (chamois, cerfs, chevreuils) vit essentiellement dans les forêts. Pâturages boisés et limite supérieure de la forêt sont également des espaces appréciés du tétras lyre, gallinacé emblématique des Alpes. La stratégie de survie de tous ces animaux est d’éviter les dépenses énergétiques inutiles. En forêt, l’irruption continue de skieur en mal de poudreuse est donc un facteur de stress ingérable pour ces animaux. Aujourd’hui, la pression la plus forte sur la faune sauvage s’exerce sur les abords immédiats des domaines skiables mais la pression s’accroît aussi partout ailleurs, en raison de l’essor considérable de la pratique de la randonnée à ski ou en raquettes. De plus, les dérangements ne s’exercent plus seulement durant les week-ends mais aussi durant toute la semaine, avec l’émergence d’une nouvelle catégorie de jeunes sportifs retraités, en pleine forme, et avide de montagne! Il y a donc nécessité pour les gestionnaires de la faune de canaliser le ski hors-piste en dehors des zones de refuge hivernal pour la faune. Les forestiers abondent dans le même sens. Une profusion de skieurs dans un espace restreint de la forêt et voilà les jeunes pousses des arbres abîmées par des skis aux arrêtes tranchantes. Or, en Suisse, la protection des forêts constitue l’un des piliers de la défense du territoire contre les dangers naturels tels que chutes de pierres, coulées boueuses et avalanches de neige…
Campagne d’information de la Confédération «Respecter c’est protéger»
Depuis 2009, l’Office fédéral de l’environnement a mené, avec le Club alpin suisse, la campagne de sensibilisation intitulée « Respecter, c’est protéger » qui repose sur le quatre règles à observer : respecter les zones de tranquillité de la faune, rester sur les itinéraires balisés, éviter les lisières et les surfaces non enneigées et tenir les chiens en laisse. Les sites internet http://www.respecter-cest-proteger.ch/ et http://www.zones-de-tranquillite.ch/ proposent des cartes interactives, régulièrement actualisées, qui recensent les aires existantes. Ci-dessous, un extrait de cette carte interactive centrée sur Nendaz. En rouge, la carte présente les districts francs fédéraux ou des zones de tranquillité homologuées, sites importants pour la faune sauvage où l’accès est strictement réglementé. Les zones de tranquillité recommandées, sans restrictions d’accès, mais avec des recommandations pour la période du 1er décembre au 15 avril, sont soulignées en jaune.
Premier refuge hivernal pour le tétras lyre sur le domaine skiable d’Anzère en Valais
Si de nombreuses zones de tranquillité homologuées pour la faune sauvage existe déjà en Suisse, elles sont encore rares en Suisse romande et au Tessin, selon l’Office fédéral de l’environnement. Dans ces régions, on privilégie le balisage des pistes, perçu comme moins contraignant. Cependant, fait notoire à relever, c’est dans le domaine skiable d’Anzère en Valais que le premier refuge hivernal pour le tétras lyre a été mis en place sur la base d’un modèle scientifique. Des panneaux placés le long des pistes, en marge de l’espace dont on tente de limiter l’accès, recommandent aux usagers de le contourner tout en détaillant les raisons de cette mesure. La sensibilisation du public est importante. Il ne s’agit pour le moment que d’une incitation : le passage n’étant pas formellement interdit, il n’est pas suivi de sanctions. Si l’on veut éviter, à terme, une multiplication des interdictions d’accès à des pans entier du territoire, la seule solution est bien de responsabiliser les amateurs de sports d’hiver, argument valable à la fois pour préserver la sécurité des personnes mais aussi pour assurer la tranquillité de la faune sauvage.
Références
Communiqué de presse du 16 janvier 2014, Nendaz 4 vallées
Nendaz forme les ados au hors-piste. Le Matin 20.01.2014. http://www.lematin.ch/suisse/Nendaz-forme-les-ados-au-horspiste/story/12925462
Office fédéral de l'environnement. Hors-piste: Le tétras dans tous ses états, Magazine "environnement" 2/2013, p. 24-26
Office fédéral de l'environnement. Sports de neige hors-piste: profiter de la nature sans déranger les animaux. http://www.bafu.admin.ch/dokumentation/medieninformation/00962/index.html?lang=fr&msg-id=47529
Photo en titre: Valais / Wallis Promotion, Christian Perret. "Des conditions d'enneigement idéales à Belalp. Le Cervin (4478 m) en arrière-plan".