Le tourisme bénéficiaire de la fin de la standardisation et de la production de masse
HotellerieVéritable pilier de l’industrie touristique, l’hébergement hôtelier a connu, au cours des dernières décennies, une prospérité qui a surtout profité aux chaînes hôtelières. Ce succès s’explique essentiellement par la capacité des chaînes hôtelières à rassurer le consommateur grâce à leur réputation. Le client réservant une chambre dans un établissement membre d’une chaîne sait très précisément à quoi s’attendre qu’il soit à Paris, New York ou dans un resort touristique.
Le développement de l’Internet a favorisé l’émergence de nouvelles façons de se loger, temporairement tout en permettant de répondre à des critères précis de prix, confort et qualité. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs, on assiste véritablement à une révolution du secteur.
En fin d’année passée, Airbnb annonçait son intention de concurrencer les grandes chaînes hôtelières. A première vue, ceci peut apparaître comme une stratégie intelligente et finement planifiée ou un combat à la « David contre Goliath » mais dans lequel la chance aurait tourné ! Toutefois, au regard des 326 millions de dollars levés par Brian Chesky (Airbnb CEO) on aurait plutôt tendance à penser que l’entreprise de San Francisco va très rapidement devenir autre chose qu’un moyen de passer une nuit dans une métropole en partageant une chambre avec d’autres personnes pour un coût de 25.- dollars.
L’économie « Self Service »
Dans le secteur du tourisme et plus précisément de l’hébergement, Airbnb apporte en quelque sorte la démonstration d’une tendance qui, ces derniers temps, suscite de plus en plus d’attention. Certains y font référence sous la notion de self-service, des investisseurs en capital-risque comme Hermant Taneja (http://www.generalcatalyst.com) parlent d’économie d’échelle inversée, Brian Chesky y voit la résurgence d’une production décentralisée. En fait, c’est le fameux entrepreneur, investisseur et informaticien Marc Andreessen qui a mis à jour ce concept dans son manifeste « Why Software is Eating the World ».
Toutes ces visions se fondent sur le même constat : les technologies de l’information ne cessent d’éroder la puissance et donc les avantages de la production de masse. Avec les possibilités offertes par l’Internet et un rejet certain de la production de masse, la structure de l’économie tend à transiter vers un grand nombre de petits producteurs spécialisés.
Le pouvoir de l’information
C’est bel et bien le manque d’information qui a fortement favorisé le développement des chaînes hôtelières. Au milieu du siècle passé, lorsque les déplacements se développèrent, les voyageurs disposaient de très peu de moyens pour connaître l’offre d’hébergement de la région visitée. Dans les années 1950, les guides de voyages fleurissaient mais l’information demeurait lacunaire.
Les chaînes tirèrent profit de ce manque en mettant en exergue leur brand qui servait surtout à rassurer le consommateur. Pour ce dernier, la meilleure des surprises était sans aucun doute de ne pas en avoir. Pendant longtemps, l’uniformité et le confort offert par une chaîne hôtelière a prévalu sur l’incertitude associée aux logeurs indépendants. La puissance des chaînes hôtelières permet une diffusion beaucoup plus large de l’information et un fossé s’est creusé avec les indépendants. Ce fossé amena les chaînes à proposer une uniformisation des services et de nos jours le secteur est largement dominé par des Hilton, Marriott et Starwood.
Les nouveaux venus sur le marché comme Airbnb sont persuadés que si les technologies de l’information avaient existé à l’époque, les grandes chaînes hôtelières n’auraient pas vu le jour ou présenteraient une physionomie totalement différente de celle connue aujourd’hui. L’ambition de Brian Chesky est d’offrir une solution adaptée permettant de « combler le fossé ».
Combler le fossé
En percevant le destin funeste que les nouveaux consommateurs réservent aux produits standardisés, les chaînes hôtelières travaillent de plus en plus sur la conception de boutique hôtels. On assiste d’un côté à une volonté des chaînes de s’adapter à cette nouvelle ère et de l’autre à la montée en puissance d’Airbnb qui, du point de vue quantitatif, propose une offre comparable à celles des plus grandes chaînes.
L’essentiel ne réside toutefois pas dans le nombre de chambres. Depuis peu, Airbnb concentre ses efforts sur les éléments essentiels afin de rassurer l’internaute et supprimer toute mauvaise surprise. Les principales critiques reçues de la part de ses détracteurs concernent le fait qu’il existe encore trop d’objets dont la description n’est pas à la hauteur.
Dans les années à venir, il est fort probable que des changements d’équilibre tel que celui qui est en train de se produire dans l’industrie hôtelière vont se répandre sur d’autres pans de l’économie. En effet, l’industrie de masse et l’uniformité qui lui est associée garantit une sécurité uniquement lorsque l’information et la confiance n’existe pas. Dès l’instant où l’information souhaitée, notamment celle apportant la confiance, est disponible globalement et à bas coûts via l’Internet, les avantages de la standardisation disparaissent.
Comme le prédit Hermant Taneja, ces nouvelles économies d’échelles inversées vont être bénéfiques pour la croissance de l’emploi, car elles ouvrent de très nombreux marchés de niches. Les entreprises qui vont avoir du succès seront celles qui auront su s’adapter à un monde où l’information donne un pouvoir énorme aux consommateurs. Ceux-ci recherchent expressément des produits et services sur mesure offerts par un grand nombre d’entreprises spécialisées. Au final, le produit sera acheté chez le prestataire ayant non seulement l’offre adéquate, mais surtout la capacité de la faire connaître sans ambiguïté.
La fin de la production de masse pourrait bien devenir une aubaine pour le tourisme en général et en particulier pour celui des régions de montagne caractérisé par une structure d’hébergement très hétérogène. En parvenant à rassurer le client sur le rapport qualité/prix de leurs prestations personnalisées, les hôteliers indépendants ou d’autres types d’hébergeurs peuvent, dans nos destinations touristiques, pleinement tirer profit de ce changement de paradigme.