Demande de transparence et d’équité
#CrowdContainer #FoodForFuture #FarmtoFork #LocalExotics #NewGlocal #TruePriceGapCet écrit est la troisième et dernière partie de notre mini-série intitulée "Paysannerie et restauration : sœurs de lutte ?".
Tout comme le métier de paysan est crucial pour nourrir la population et entretenir les paysages, celui de restaurateur joue également un rôle essentiel dans la promotion d'une alimentation durable. En effet, les chefs ont le pouvoir de "sauver la planète à coup de fourchette", comme l'illustre François Pasteau dans son restaurant. Non seulement il met en pratique une cuisine durable, mais il transmet également ces connaissances aux apprenants, contribuant ainsi à la sensibilisation de la profession.Cette démarche de sensibilisation s'étend au-delà des restaurants individuels, puisqu'elle est également entreprise dans le cadre des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT). Parallèlement, le développement technologique facilite l'accès à l'information pour les consommateurs soucieux de durabilité. De nombreuses applications mobiles, telles qu'Equitable, permettent désormais de localiser les restaurants qui œuvrent à respecter l’esprit de durabilité dans l’assiette. L’application Equitable référence les restaurants en fonction d’une charte. Y sont référencés les restaurants qui proposent uniquement des plats sans viande ni poisson et proposent des options vegan. Ou encore : un restaurant qui s’approvisionne à plus de 50% de produits bio ou est engagé dans une démarche durable innovante (zéro déchets, utilisation de protéines végétales, cuisine bas carbone…). Les critères sont parfois discutables, mais l’intention est là.
En somme, le renouveau paysan s'inscrit en phase avec les attentes sociétales en matière d'alimentation locale, de transparence et de sens (cf. schéma ci-dessous). Ce mouvement crée de nouvelles opportunités de collaboration entre paysans et restaurateurs, au bénéfice de tous. Ce qu’il y a à comprendre, c’est que ce sont les coûts environnementaux et sociaux exhorbitants de l'agriculture conventionnelle (cf. graphique ci-dessous) qui poussent à cette réappropriation de la chaîne alimentaire.
Source: Projets Smartchain et Strenght2Food
Afin de sensibiliser l'opinion publique aux enjeux, certaines organisations conçoivent des labels pour visibiliser ces coûts et donc la nécessité de faire advenir une autre réalité (GDI, 2023). L’entreprise allemande Penny informe par exemple ses clients du prix véritable des biens de consommation qu'elle vend. Elle promeut par ce biais les produits bio de Naturgut et Food for future. Leurs prix véritables ont été estimés par les universités de Greifsald et de Nürnberg. De l’avis de Tobias Nordmann de Crowd Container, « [ s]i on pratique une agriculture qui prend soin des sols et de la biodiversité, les externalités positives sont prises en compte, contrairement aux aliments produits de manière conventionnelle, pour lesquels les externalités négatives ne sont pas reflétées dans le prix». Cela signifie qu’une agriculture qui préserve l’environnement engendre moins de coûts pour les tiers et les générations futures ». C’est à cela que contribue Penny.
La confiance des consommateurs envers les déclarations environnementales des entreprises est mise à mal. Et pour cause: 40% de ces déclarations en Europe ne sont pas étayées par des preuves solides. Face à ce constat, les entreprises sont confrontées à un double défi : regagner la confiance de leur clientèle tout en l'encourageant à adopter des modes de vie plus durables. Pour relever ce défi, une approche tripartite s'avère nécessaire. Premièrement, les entreprises doivent fournir des preuves tangibles de leurs allégations environnementales. Deuxièmement, elles doivent faire preuve de créativité dans leur communication pour capter l'attention et l'intérêt des consommateurs. Enfin, la clarté du message est cruciale pour assurer une compréhension sans équivoque des enjeux et des actions proposées. En conséquence, un nombre croissant d'entreprises adoptent une stratégie basée sur la transparence et la démonstration factuelle. Elles s'efforcent de prouver, à l'appui de faits et de chiffres concrets, que la consommation vertueuse a un impact réel et collectif favorable sur l'environnement. Les nouvelles technologies valorisées par exemple dans des plateformes de comptabilisation du carbone en temps réel aident les entreprises à répondre à cette demande. En raison de nouvelles réglementations en 2024 sur les rapports Environnement, Social et Gouvernance (ESG), ce mouvement devrait s'accélérer. D'autres accélérateurs de changements sont le European Green Deal lancée en 219 et la Farm to Fork Strategy lancé en 2020 par la Commission Européenne (SwissFood & Nutrition Valley, 2023).
De tout évidence, les chaînes d'approvisionnement font désormais l'objet d'une surveillance accrue, des crises majeures ayant mis en évidence la vulnérabilité de ces chaînes. Concernant cette dernière, on pense bien sûr à un pouvoir concentré à un nombre limité d'acteurs mondiaux de l'alimentation. Mais il convient aussi de nommer les vulnérabilités de ces chaînes aux perturbations (guerres, pandémies), aux dommages environnementaux et aux fluctuations du marché (GDI, 2023). En dépit d’une vigilance renforcée, la méfiance généralisée a pris le dessus et s’accompagne d’un mouvement de relocalisation de la production alimentaire.
Aujourd'hui, comme expliqué dans notre série "Paysannerie et restauration : sœurs de lutte ?", on observe un élan vers des réseaux alimentaires plus locaux qui redonnent le pouvoir aux autorités régionales, aux communautés et aux individus. Ces réseaux ont aussi pour finalité de favoriser la résilience alimentaire face à une plus grande instabilité climatique. Parce qu'intérieurs, ces nouveaux marchés répondent plus facilement aux exigences de durabilité et de résilience. Ce New Glocal co-existe avec la tendance au Local Exotics (Rützler, 2024). Toujours au sein de l'unité locale, il s'agit de la production de plantes et d'animaux non endémiques (cf. carte pour la localisation de la production de local exotics en Suisse). C'est là une adaptation radicale à l'évolution des goûts culinaires et aux changements climatiques (Rützler, 2024). Mais pas que … Si les produits sont suisses et à destination du marché suisse, les capitaux le sont-ils aussi ?
Ce billet est basé sur les publications Food Report 2024, Hanni Rützler, Wolfgang Reiter, juin 2023; European Food Trend Report. Feeding the Future. Chancen für ein nachhaltiges Ernährungssystem, Christine Schäfer, Karin Frick et Johannes C. Bauer, GDI, 2023.
Pour aller plus loin :
- Fondée au printemps 2021, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) « Nourrir l’Avenir » est une initiative de l’association le « Collectif les Pieds dans le Plat », qui s’engage depuis plus de dix ans pour la restauration collective bio locale : https://www.scicnourrirlavenir.com/
- Eating City favorise une vision à long terme des décideurs sur l’avenir des chaînes d’approvisionnement alimentaires urbaines durables. Il a récemment appelé à renouveler les récits pour favoriser le changement de paradigme. Ce thème sera exploré à l'occasion de son dixième campus estival qui s'est tenu du 3 au 9 septembre 2024 : https://www.eatingcity.org
- Rendez-vous à l'Université de Lausanne, le 5 octobre 2024: JOURNÉES SCIENTIFIQUES DE L’AGROÉCOLOGIE – Origin for sustainability (origin-for-sustainability.org)
- Rendez-vous est aussi donné aux Journées de l'agroécologie dans toute la Suisse durant le mois d'octobre 2024: https://www.agroecologyworks.ch/fr/journees-de-l-agroecologie/2024/events