Nature et culture : de l'idée au produit touristique

Nature Culture

Comment élaborer des offres basées sur la nature et la culture?

Résultat d’un projet Innotour, le Sanu et la « Fachstelle Tourismus und Nachhaltige Entwicklung » (centre rattaché à la ZHAW ) proposent des outils destinés aux acteurs du tourisme souhaitant élaborer des offres basées sur la nature et la culture. L’ensemble du contenu est disponible sur le site web www.activites-natureculture.ch et un manuel très fouillé est également proposé en version PDF : « Le tourisme – tout naturellement ! De l’idée au produit touristique intégrant la nature et la culture, en passant par l’analyse de marché ».


Constat : Les prestataires de la branche touristique connaissent le marketing de A à Z et savent comment générer des émotions et les vendre. De leur côté, les spécialistes de la nature ou de la culture ont une vaste connaissance des liens entre la dimension naturelle d’un paysage et son histoire. Malheureusement, ces deux mondes ne communiquent pas suffisamment entre eux. Pour les auteurs du rapport, ces deux potentiels devraient se voir réunis dans le tourisme car de plus en plus d’hôtes recherchent des activités se déroulant dans une nature authentique ainsi que des échanges culturels durant leurs vacances.


Cependant, les produits touristiques liés à la nature et à la culture ne se vendent guère s’ils ne sont pas conçus de manière à répondre aux attentes des visiteurs. Il est donc primordial de cerner sa clientèle lors de l’élaboration d’un produit. On peut différencier quatre segments d’hôtes intéressés à la nature et à la culture :


1) Les « Best Agers », d’âge mûr et à l’aise financièrement ;
2) les « familles » ;
3) les « DINKS », couples aisés (hétéro ou homosexuels), actifs et sans enfants ;
4) Les groupes et écoles.


En raison du vieillissement de la population, le groupe des « Best Agers » va augmenter, une tendance qui se réalisera au détriment des « familles », une population qui devrait décliner sur le long terme.


Le manuel permet de poser les bases pour la conception d’un produit touristique car les activités nature et culture ne constituent pas des produits touristiques en soi. L’accent est volontairement mis sur la conception plutôt que sur la commercialisation professionnelle, un rôle qui doit de préférence être assuré par les organisations locales et régionales de promotion touristique. La première partie du manuel expose les bases théoriques, tandis que la seconde propose des outils pour la conception et la mise en pratique du produit touristique en question.


De l’idée au produit fini, sa commercialisation et son assurance qualité, il y a quelques points à respecter impérativement :

• Tout d’abord, un produit touristique devrait être typique de la régionauthentique et cohérent. Le client doit sentir qu’il est intégré et participe à la vie locale. Son lien avec la région se verrait renforcé et resterait davantage ancré dans sa mémoire.
• Ensuite, il s’agit de faire appel aux émotions et aux sens, en proposant par exemple des activités inoubliables dans un décor mis en scène avec tact : un marché de Noël idyllique, des concerts dans une église ou un château, des expositions artistiques ou des lectures de contes sont des activités très appréciées.
• Des infrastructures pléthoriques sont à éviter. « Moins est plus », devise du minimalisme, pourrait être l’adage de ce tourisme qui recherche la qualité plutôt que la quantité.
• Le produit doit aussi être adapté au public cible. Par exemple, une activité avec des animaux de la ferme, dans une station où les familles sont les bienvenues, serait un produit optimal pour les familles. Par contre, pour ce même public, une activité trop abstraite ne serait pas vraiment la plus appropriée et rencontrerait peu de succès. Un prestataire disposant d’un positionnement précis aura donc plus de réussite.
• Les exigences au niveau de la qualité se doivent d’être élevées et ce à tous les niveaux de la chaîne de service. La qualité ne rime pas forcément avec le luxe. Les aspects qualitatifs peuvent porter, entre autres choses, sur un accueil chaleureux, une attention sur l’oreiller ou encore un petit-déjeuner avec des produits locaux bien présentés. 
• Trop de prestations à choix diminuent les chances de réservation, car une interminable liste d’options perturbe le client, plus qu’elle ne l’aide. Un produit touristique se distingue par le fil rouge qui le traverse tout au long de la chaîne de services. Notre hôte serait ainsi intéressé à visiter la boulangerie qui fabrique le délicieux pain qui lui a été servi au petit déjeuner. D’autre part, il vaudrait mieux de ne pas lui proposer que des excursions se déroulant en dehors de la région d’accueil.
• Par ailleurs, un produit présenté comme étant « durable » ne devrait pas laisser de traces de détérioration dans le paysage et minimiser les impacts sur la faune et la flore. Par exemple, une descente en canoë sur une rivière à l’état naturel au mois de mai va perturber les oiseaux, en pleine période de reproduction, alors que la même activité proposée en août ne poserait aucun problème. 
• Dans ce sens, chaque cas particulier devrait être discuté avec les protecteurs de la nature avant d’être mis en œuvre. Les hôtes, souvent bien informés, sont très sensibles à ces considérations. Les activités sportives dans la nature et les voyages culturels et d’études sont aujourd’hui en vogue. Le prestataire peut très bien imaginer des produits croisés, en proposant par exemple un mélange entre repos, formation et activités sportives de plein air.
• Enfin, le guide propose également des solutions pour approcher l’observation directe et la découverte de la nature en tenant compte du public cible. En ce qui concerne les familles avec enfants, une excursion dans la nature ou une activité culturelle ne devrait par exemple pas dépasser une durée de 2 heures.

Le chapitre final aborde la commercialisation du produit avec, en sus, quelques conseils de communication et de distribution. Trouver le prix juste est la principale difficulté et la version en ligne du manuel propose un calculateur de prix fort utile pour définir les prix des produits sur une base réfléchie.

En complément du rapport, le site internet www.activites-natureculture.ch expose de nombreux exemples pratiques très originaux, comme dormir dans un tonneau, suivre la piste des fourmis ou organiser son voyage de classe dans un parc naturel suisse, témoignant ainsi de l’extraordinaire créativité dont font preuve certains concepteurs d’offres « nature et culture ». Une créativité qui peut s’avérer payante, comme le démontrent ces quelques chiffres publiés par nos voisins :

• 14 parcs nationaux en Allemagne ont généré 50 millions de visiteurs en 2009 et environ 2,1 milliard d’euros de chiffres d’affaires. 
• En Italie, la valeur ajoutée du tourisme dans les sites protégés d’Italie (parcs nationaux et régionaux) a généré, en 2006, 8 milliards d’euros.

En Suisse, des chiffres concrets sur l’étendue du développement touristique intégrant la nature et la culture ne sont pas disponibles à ce jour. En 2002, la valeur ajoutée dans le tourisme proche de la nature a été estimée à 2,3 milliards de francs par an. Des études plus précises pour évaluer l’importance économique de ce secteur seraient les bienvenues.  L’étude internationale TEEB, présentée lors de la conférence mondiale sur la biodiversité, tenue à Nagoya en 2010, fournit quelques bases méthodologiques solides pour évaluer la richesse de la biodiversité en termes monétaires. Une piste à suivre ?

En Suisse, l'azuré du baguenaudier est un papillon très rare qui ne vit qu'en Valais. Il recherche le baguenaudier poussant sur les terrains séchards du vignoble et qui est le seul arbuste sur lequel il se reproduit. Les vignerons ont largement participé à la protection de cet azuré en acceptant des baguenaudiers aux abords de leurs parcelles. © Antoine Sierro, biologiste

Références

Forster S., Gruber S., Roffler A., Göpfert R. (2011). Manuel. Le tourisme – tout naturellement ! De l’idée au produit touristique intégrant la nature et la culture en passant par l’analyse de marché. 95 p. Disponible à l’adresse https://www.activites-natureculture.ch/

Innovation, coopération et professionnalisation (Innotour) dans le domaine du tourisme http://www.seco.admin.ch/innotour/index.html?lang=fr

Sanu http://www.sanu.ch/fr/

TEEB - The Economics of Ecosystems and Biodiversity (2010). Rapports disponibles à l’adresse http://www.teebweb.org/

Photo en titre: Sieste (Vex, Val d'Hérens) © Valais / Wallis Promotion, Stephan Engler.