24 août 2033, une journée qui s’annonce encore très chaude…

RecitFiction

Récit fiction - Par Tourobs

Ce 24 août 2033, la journée s’annonce encore très chaude. Mais Emma a l’habitude de la chaleur après tout. Avec l’enchaînement des épisodes caniculaires, Emma et les autres ont appris à vivre avec la chaleur.

Il est 8h30 et le mercure dépasse déjà les 28 degrés en plaine. Emma se rend à la navette électrique qui l’amène jusqu’à son lieu de travail, en station. Elle a bien pensé partir vivre en station, mais la spéculation du marché immobilier des dernières années a rendu les prix inaccessibles en montagne. Elle, comme de nombreux autres, ne peuvent plus se payer le luxe d’habiter en station.

Un mal pour un bien, cette configuration a mené à un aménagement rapide des réseaux de transports propres dans la région. Grâce à la voie prioritaire, le trajet est plutôt rapide. Emma entre dans la navette autonome et rejoint Iris, aux côtés de qui elle partage le trajet tous les matins. Après une bise furtive, les jeunes filles échangent sur le programme de leur journée. Iris, elle, est informaticienne à son compte en hiver, et fromagère à l’alpage en été. Pour Iris, hors de question de rester à rôtir derrière la ventilation de son ordinateur en été, elle préfère « se rendre utile » à l’alpage. Emma sourit en écoutant Iris, qui incarne de manière presque caricaturale, la vie de cette nouvelle génération hybride.

La navette arrive, les deux amies se saluent et se quittent. Il ne reste que quelques minutes de marche à Emma pour rejoindre son kiosque : la billetterie de la Chute Du Mont-Auvent. Il est 9h, les premiers visiteurs sont présents. Avec l’assèchement de la cascade de la Pièche, Mont-Auvent a beaucoup de succès. Heureusement, avec la nouvelle application de gestion des flux mis en place par le site, la visite est plutôt fluide. La forte attractivité des sites naturels a obligé les autorités à contingenter le nombre de visiteurs. Chacun possède son billet électronique qu’il scanne au tourniquet. À l’abri, dans son kiosque, Emma surveille le défilé paisible et continu des touristes. Même si les visiteurs se sont habitués à l’accueil par hologramme sur de nombreux sites naturels, la Chute Du Mont-Auvent résiste encore. Emma reste le visage rassurant et authentique de l’attraction. Elle a toujours une petite anecdote à partager. Les visiteurs apprécient. Ce qui lui vaut même quelques petits pourboires en crypto les bons jours !

18h. Emma a fini sa journée. Elle s’apprête à monter dans la navette quand elle est interpellée.

« Hey mais Ciao ! ». C’est Tom, un ami d’enfance. Au milieu des excursionnistes, cette figure familière la remplit de joie. Elle n’avait pas revu Tom depuis la fin de son cursus à l’École Hôtelière. Si Emma avait souhaité se réorienter, Tom avait poursuivi dans l’hôtellerie-restauration. Il avait travaillé deux ans pour un grand restaurant avant d’entreprendre un voyage initiatique d’un an. Face à la pénurie de main-d’œuvre et pour se rendre plus attractif auprès des jeunes, le secteur professionnel de l’hôtellerie, les associations faîtières et les milieux de l’enseignement professionnel s’étaient accordés sur l’octroi d’un congé sabbatique. Tom était revenu plein d’énergie. Changé aussi. Exercer une seule activité a quelque peu assoiffé la motivation de Tom. Mais ce voyage a nourri son appétit de faire autre chose, sans pour autant renoncer à sa passion première. Comme beaucoup de jeunes de son âge, Tom a voulu devenir « slasheur » et exercer deux métiers. L’Intelligence artificielle JobGPT a pu l’aider à identifier quel autre job pouvait être compatible avec l’expérience acquise. Il a entrepris une nouvelle formation dans le social. Désormais, il travaillait dans un EMS le matin, et poursuivait son activité de serveur au restaurant, uniquement le soir. « Mon fil conducteur, c’est l’hospitalité » argumente Tom en souriant.  « Et puis, c’est bien tombé. » Poursuivit le jeune homme.

Parallèlement, l’intensification des épisodes caniculaires, l’augmentation des coûts de l’énergie et la raréfaction des ressources ont amené de nombreux restaurants de plaine à se réorganiser. Tom a ainsi vu son emploi du temps réaménagé, car la salle du restaurant a dû se résoudre à fermer définitivement le midi. Son patron avait décroché quelques contrats avec les entreprises de la région pour livrer les repas de midi. Tom comprenait, mais ce qui lui importait à lui, c’était le contact avec le client. C’est aussi ce qui avait motivé son choix de « double carrière ». En altitude, les restaurants étaient quant à eux dépassés par l’afflux de visiteurs qui venaient chercher un peu de fraîcheur en été, et un peu de neige en hiver.

Malgré cela, Tom préférait garder ses deux emplois. Cette hybridation lui convenait.

La navette termine sa course. Emma et les autres descendent. La chaleur de l’asphalte enveloppe Emma tandis que de larges gouttes commencent à perler sur son front. Emma emprunte le corridor vert (aménagement piéton végétalisé) tandis qu’elle consulte son application météo. « Le pic de chaleur est attendu pour demain. 43 degrés. ». Et comme un signe étrange, cette nouvelle journée signera le 43e jour de canicule consécutif…